interview
Movrir
Rencontre avec Alex, guitariste de Mourir qui nous parle de leur EP "Insolence". Un album fort, très fort, noir, très noir. A tel point que même le groupe averti que même des oreilles aguerries à cette musique pourrait être déroutées.
Bonjour. Avant de commencer une petite présentation de "Movrir" ? Et pourquoi ce nom de groupe qui ne laisse aucune place à l'espoir on dirait ?
Bonjour et merci beaucoup pour cette interview. Effectivement, les thématiques explorées dans notre musique tournent très souvent autour du désespoir et de la désillusion en général, à titre personnel ou bien plus collectif, voire même pour la société dans son ensemble pour notre dernier EP "Insolence". Le nom du groupe est apparu comme une évidence assez rapidement par son caractère impactant et facilement identifiable. Nous nous sommes dit que pousser ce curseur à fond était une bonne manière de transmettre aux gens à quoi s'attendre en nous écoutant !
Musicalement, on est dans un "black metal" très profond, parfois même un peu brutal également. Comment vous vous définissez ?
Aussi étrange que cela puisse paraître, seul Olivier (guitare/chant) et Jean (ancien bassiste) ont une réelle culture black metal dans le groupe, Maël (batterie) et moi-même (guitare) ne venons pas du tout de ce style mais plutôt du hardcore/metal/post-hardcore. Lorsque nous composons nous essayons de conjuguer ces influences au mieux, en gardant autant que possible des aspects "true black" à l'ancienne austères ou épiques, mais modernisés par quelque chose de plus vif, énergique et dissonant.
Vous parlez même "projet extrême expérimental". C'est quelque chose que vous ne pourriez pas faire avec vos groupes respectifs ?
Cela dépend, Olivier a joué pendant 10 ans avec Plebeian Grandstand, avec qui au contraire il a poussé encore plus loin le côté extrême et expérimental. De mon côté avec Maël nous jouons dans un groupe de synthwave qui s'appelle Toucan, donc aucun rapport avec la musique extrême. Notre nouveau bassiste Théo joue dans un groupe qui s'appelle Bruit et qui propose un post-rock puissant et plutôt expérimental, je suppose que Mourir lui apporte la touche d'extrême !
Plus que "expérimental", on peut même parler d' "exploration musicale", car vous allez loin quand même ?
En effet, pour rester dans la dimension noire et agressive du groupe, nous essayons de composer des arrangements qui vont dans ce sens : casser les structures, casser les tonalités, jouer volontairement très dissonant et fluctuant, voir même laisser des passages où il n'y a plus du tout de tempo et où tout s'écroule volontairement.
Pouvez-vous nous présenter cet EP "Insolence". Quels thèmes vous abordez ? ?
Alex : Comme je disais plus haut, dans "Insolence" nous abordons le thème de l'Hubris et de la Némésis dans le contexte de la place de l'humain dans la société et sur la planète. Il s'agit d'une critique de l'Homme qui se prend pour un Dieu et se croit tout permis, détruit son environnement et ses congénères pour son propre profit, jusqu'à atteindre le point de son auto-destruction qui s'apparente à une sorte de justice divine.
Ce projet est-il dans la continuité de vos réalisations précédentes ?
Pas vraiment, nous voulions créer une rupture avec nos précédents albums pour explorer sur un format court ce que pourrait donner notre musique avec une production un peu moins traditionnelle, en choisissant de travailler avec Clément Libes qui ne vient pas du tout du metal et qui a justement pu apporter une approche plus instinctive et fraiche pour contre balancer nos habitudes de production. Cela a donné un EP avec une production très live et raw, et en même temps très "machine" avec beaucoup d'effets et de traitements presque électroniques par moment. Nous avons aussi fait appel à Samuel Meric qui joue un Carnyx de sa fabrication, un genre de cor gaulois utilisé sur les champs de bataille, et que l'on peut entendre sur la track "Punitive". Cela aussi est une rupture avec nos habitudes car nous n'avions jamais enregistré d'instrument additionnel pour notre musique avant.
Dans la présentation de cet EP, il est noté que ce n'est pas à mettre entre toutes les oreilles, et, volontairement, peu accessible. Pourquoi ce choix ? C'est de la provocation ?
Aucune provocation non ! Simplement une précaution car l'EP sonne très raw et agressif, et je pense que ça peut dérouter plus d'une personne, même aguerries au metal extrême ! Mais évidement, j'invite tout le monde à faire "play" et voir ce que ça donne, vous serez fixés dans les 20 premières secondes je pense.
Musicalement très oppressant, on est plus proche de la folie que de la rage je pense à Illusions le dernier morceau?
Pour la petite histoire, ce dernier morceau est une track composée par Clément Libes qui a produit le disque, il s'agit essentiellement de synthétiseurs modulaires dans un style très ambiant et maussade, ce qui clôturait bien ce qui pouvait se passer après la punition de l'humanité dans Némésis, pour respecter la thématique du disque. En réalité il s'agit d'une track qu'il a composé comme un exutoire suite au décès de sa grand-mère. Nous avons été très touché qu'il souhaite nous l'offrir pour qu'elle fasse partie de ce disque.
Dans toute cette rage, il n'y a pas un peu d'espoir avec, peut être, une prise de conscience ?
Tout à fait oui, au final ce disque est une vision pessimiste de ce qui est déjà à l'oeuvre dans notre société, et peut servir de sonnette d'alarme à notre modeste niveau. S'il peut contribuer à éveiller des conscience et faire que l'histoire dans cet EP ne reste qu'une histoire, alors c'est une excellente chose, l'espoir subsiste !
Est-ce que ces compositions ont été interprétées sur scène ? est-ce prévu ? Ou bien est-ce un projet éphémère ?
Oui tout à fait, nous avons composé Hubris et Némésis en live comme pour nos précédents albums, et nous avons interprété ces morceaux en live sur toute notre tournée qui vient de s'achever. Je pense que nous aurons toujours au moins un de ces morceaux dans notre set. Par contre Punitive et Illusions sont des pur produits de studio et je ne pense pas qu'on les jouera en live un jour.
Pour conclure, un petit mot sur la pochette de l'album, bien à l'image de cet EP ?
Alex : La pochette est une illustration de notre ami Geb qui est un artiste toulousain, peintre, illustrateur et tatoueur, entre autre. Il avait fait cette illustration pour une tournée française que nous avions faite en 2023, et nous regrettions qu'elle n'ait servie uniquement que pour un poster. Nous avons donc naturellement réutilisé cette illustration pour "Insolence", car cette carte de France en ronces illustre à merveille le message de Hubris sur cette société qui devient de plus en plus inhospitalière pour les plus pauvres, pour les minorités, pour les discriminés.
https://www.facebook.com/movrir
https://movrir.bandcamp.com/album/insolence
L&T le 16.03.2025
