interview
Demande à la Poussière
Rencontre avec Simon et Neil du groupe "Demande à la Poussière", qui nous parlent de leur dernier album “Kintsugi”. Un opus noir, dense et profond...
Vous voilà de retour avec un nouvel album “Kintsugi”. Pourquoi ce titre étrange ?
Simon : Le Kintsugi est un art venu du Japon féodal qui consiste à réparer des poteries cassées avec de la laque imprégnée de poudre d’or. Le procédé vise non seulement à réparer les objets, mais aussi de les rendre beaux et uniques de par les “cicatrices”. Nous avons donné ce titre à l’album comme une métaphore de la reconstruction de soi, ou comment se relever des épreuves de la vie.
Comment vous en êtes venus à partir sur des thèmes de cet art japonais ?
Simon : Neil et moi-même traversions des épreuves difficiles sur le plan personnel pendant l’enregistrement. La thématique que nous visions était “La parabole des aveugles”, inspirée par le tableau éponyme de Brueghel : des aveugles qui se guident les uns les autres vers l’abîme. Cependant, la meilleure signification que nous pouvions alors apporter aux textes que nous produisions à ce moment-là reposait davantage sur les blessures de la vie et la reconstruction qui s’ensuit.
Changement de line up, donc je suppose changement de composition et nouvelle orientation musicale ? Ou évolution peut être ?
Simon : Nous avons commencé à bosser sur le troisième album quelques mois après mon arrivée dans le groupe. Nous sommes partis sur un travail collégial, sans forcément s’interdire de partir dans telle ou telle direction. In fine, nous sommes restés dans la continuité des albums précédents, en apportant de nouvelles touches plus doom. De plus, l’accent a été mis sur le chant. Les textes sont venus avant que les versions instrumentales des morceaux ne soient terminées, il y a eu donc une inversion dans le procédé d’écriture par rapport aux albums précédents.
Parlez nous de ce nouvel opus. Où nous entraînez vous ?
Simon : Cet album, c’est avant tout une musique lourde, chaotique, déstructurée avec un son très analogique. On ne vous emmène pas là où c’est tout propre, tout net, tout blanc tout carré ; mais plutôt dans les bas fonds, là où les riffs se bousculent les uns les autres, là où la guitare va baver dans le fuzz, où la basse va faire trembler les murs, où la voix va prendre des tonalités insoupçonnables…
Les titres sont courts “Fragmenté”, “Brisé”; ”Parti”; entre autres, c’est fait exprès ?
Simon : Pour faire court : oui. J’aime bien titrer simplement. De plus, ça reste dans la continuité des albums précédents où l’on trouve également des titres très courts qui cohabitent avec d’autres plus longs.
Quels thèmes vous développez ?
Simon : Le thème de la reconstruction de soi, mais au travers de différentes sortes de souffrances. Cet album est un voyage au pays de la souffrance, qu’elle soit physique ou mentale. La perte d’un être cher. Le désespoir. La mélancolie. Les regrets qu’on emportera dans la tombe. Les instants perdus à tout jamais. L’indifférence. L’insensibilisation. La perte d’un amour. La négligence. Le rejet. Le dédain. Le mépris. Toute la souffrance induite par ces joyeusetés fait partie intégrante des thématiques abordées.
Cet album est vraiment très très noir, plein de désespoir. Il n’y a vraiment aucun espoir ?
Simon : En ce qui concerne ce que j’écris, il n’y a pas d’espoir. Chaque changement est irrémédiable. Chaque tâche est ineffaçable. Chaque poids ajouté sur l’âme ne s’en ira jamais. La confiance éraflée ne sera jamais réparée. Aucune faute ne sera pardonnée. Pas d’espoir, pas de rédemption, il n’y a que la douleur. Dans ce que Neil écrit, on distingue la lueur d’espoir. On distingue ce qui peut nous sortir de la noirceur et nous relier au vivant. Cette dualité dans les textes permet à l’album d’avoir une continuité, un chemin vers la reconstruction.
On parle de “reconstruction de soi”, du coup ma question est est-ce un exutoire pour vous ?
Simon : Pour moi, oui. C’était presque thérapeutique, je pouvais canaliser mes émotions négatives dans un éventail quasi infini de possibilités.
Est-ce qu’on est dans un concept album ?
Neil : Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire. Nous avons écrit sans réfléchir, sur ce que nous avons traversé, puis nous avons tout rassemblé, un thème est ressorti… Si c’est ça Concept Album, alors oui ! Mais nous sommes contents du travail de cohérence effectué dans l’écriture et la composition.
Comment travaillez vous ? Qui a fait quoi ?
Simon : Nous travaillons directement au studio de Edgard, le Lower Tones Place. Nous enregistrons et maquettons au fur et à mesure des idées et des compositions. Nous avons enregistré nos instruments respectifs, et Edgard s’est occupé de tous les arrangements.
Comment définissez vous cet album musicalement car on trouve pas mal de styles
Simon : c’est avant tout un album très sludge et très doom. Nous avions une volonté de garder notre trait black metal, et nous l’avons fait. J’ai toutefois poussé quelques idées à base de riffs simplistes et sombres, ou alors orientés stoner. Le plus difficile a été de mélanger le tout en un ensemble cohérent. Concrètement, nous faisons du blackened sludge. Mais les influences sont effectivement bien plus étendues !
Un petit mot pour conclure sur la très belle pochette de l’album, à la fois belle et effrayante ?
Neil : On a découvert les gars de Vaderetro grâce au Post In Paris, on a accroché sur leur boulot. On a mis du temps à trouver le thème avec eux … mais finalement Simon est venu avec l’idée de la Chimère, cet animal fait à partir de bouts d’autres, unique, et informe … Ça collait très bien avec le kintsugi. D’épreuve en épreuve, on finit par devenir son propre monstre. On en est très contents, c’était un kif de bosser avec ces mecs là.
On vous retrouvera sur scène bientôt ?
Neil : On y travaille !
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L&T le 19.07.2024