interview
Nico Wayne Toussaint
Rencontre avec un des grands monsieur du blues en France, Nico Wayne Toussaint. Le grand joueur d'harmonica qu'il est a posé, provisoirement, son instrument de prédilection pour passer à la guitare. Voilà un secret qu'il nous avait bien caché. Il nous propose un album riche, tendre, différent mais avec toujours autant de talent même avec une six cordes dans les mains.
L&T: Salut Nico.On te connaît comme un des grands joueurs d'harmonica, je dirais même une des références en France, et bien entendu comme un grand auteur et compositeur, mais voilà que tu reviens avec un album où tu "lâches" ton harmonica pour prendre la guitare. Pourquoi donc ? Tu nous avais caché ce talent de guitariste ?
Nico: Et bien, il faut croire que je me l’étais caché à moi-même aussi… j’ai toujours adoré la guitare en blues. Le slide de Ry Cooder ou de Elmore James, les bends de Albert King ou de Luther Johnson. Les hammer de John Lee Hooker… J’adore tout ça, mais je n’avais jamais osé m’y mettre, tout en engageant toujours des guitaristes qui maîtrisaient tous ces aspects et pouvaient les apporter à ma musique.
L&T: Pourquoi maintenant ? Pourquoi ne pas avoir produit d'album "guitare" plus tôt ?
Nico: Le Covid a eu ça de bénéfique qu’il m’a donné le temps et la solitude nécessaires pour que je me pose et que je laisse sortir 30 ans d’écoute du blues et d’expérience de scène avec de grands guitaristes, autant d’informations collectées, analysées et inconsciemment mémorisées, qui ont dirigé mes doigts dès que j’ai commencé à prendre une guitare pour de bon. Je ne l’aurais sans doute jamais fait s’il n’y avait pas eu cette situation unique due au Covid.
L&T: Est-ce que tu as fait le tour des compos à l'harmonica ? Où est-ce qu'au contraire, le fait d'avoir changé d'instrument, le temps d'un album et d'une tournée, va te redonner encore plus d'envie de revenir à l'harmo ?
Nico: Je n’ai jamais lâché l’harmo. J’en joue toujours autant lorsque je suis avec mon groupe. Mais c’est vrai que je ne travaille plus l’harmonica. Je joue avec le niveau que j’ai et qui me suffit pour exprimer ce que je veux raconter. Et ça m’a fait beaucoup de bien de revenir à travailler du blues à travers un nouvel instrument. Ça permet de lever un peu le voile sur la magie de ces sons qui me fascinent et de passer de l’autre côté du miroir dans un certain sens. Par ailleurs, ça renforce mon jeu d’Harmo et mon envie d’en jouer quand je suis avec mon groupe.
L&T: Où nous entraînes-tu avec ce nouvel album "Burning Light" ?
Nico: J’ai enregistré cet album un peu sur un coup de tête. Il m’était nécessaire pour que je puisse continuer à avancer dans ma vie d’artiste. Je n’aurais rien pu enregistrer d’autres si ce n’était pas cet album solo. Parfois, dans ma façon de travailler, je ressens des « évidences » que je dois matérialiser dès lors que je les ai ressenties. Ce n’est pas toujours logique, ni justifié et pourtant, je dois le faire. C’est ce même élan très instinctif qui est à l’origine de ce disque. Ainsi, j’ai décidé de me réapproprier des titres que j’avais déjà composés et enregistrés sur mes albums précédents mais dont les parties guitare avaient été interprétées par d’autres guitaristes. J’ai eu à cœur en tant que guitariste, d’être capable de jouer mes propres chansons. Et dans mes influences, il y a Louisiana Red, John Lee Hooker, Lightning Hopkins et Magic Slim, dont les styles viennent colorer l’ensemble de ce disque.
L&T: Quels thèmes tu abordes ?
Nico: L’amour est l’un des grands thèmes de ce disque (est-ce vraiment surprenant ?) mais aussi l’optimisme à travers I thank the lord, ou encore l’observation de la difficulté du quotidien pour certaines personnes dans One more day.
L&T: Un album plus dense, plus profond même que les précédents. Tu as vraiment eu un gros "coup de blues" au point de tout coucher sur papier, ou sur partitions pour être plus précis ?
Nico: Souvent, lorsqu’on fait un disque pour le vendre, on cherche à faire un disque « fun », entraînant pour le public. Je n’ai pas abordé cet album avec cette urgence. Je l’ai avant tout fait pour me faire plaisir et jouer effectivement ce qui me tenait à cœur et ce que j’avais dans le ventre. Ma seule contrainte était que je ne voulais y jouer que mes propres compositions. J’ai donc écrit aussi plusieurs morceaux, spécifiquement pour ce disque, mais en ne cherchant qu’à faire sonner mes guitares dans l’esprit que je souhaitais et en étant le plus sincère possible. De toute façon, quand on a peu de moyens, on exploite à fond et avec l’énergie du désespoir les quelques arguments musicaux qu’on a à proposer. C’est comme ça que j’ai joué cet album.
L&T: Est-ce que cela t'a permis finalement de passer au-delà de ce "coup de blues" et peut être revenir par la suite vers un blues plus festif, plus coloré comme tu avais l'habitude de produire ?
Nico: Qu’on soit d’accord, ce disque n’a pas été écrit sur un « coup de blues » mais sur un « coup de folie ». Et comment peut-on finalement se déclarer interprète de blues si on ne s’autorise à jouer « en profondeur » que de temps en temps, car on doit avant tout céder au diktat du divertissement ? Je défends en groupe un blues dynamique que j’adore, mais en solo, je m’autorise à être le porte-voix d’une approche plus ressentie, qui de toute façon colle mieux au format. Est-ce que Woodie Guthrie, John Lee Hooker ou Taj Mahal se fixent comme principal objectif de concert de faire de la musique festive ? J’espère qu’avec la maturité de l’âge et de l’expérience vient aussi le droit de se laisser guider par ce que l’on se sent de transmettre au mieux et avec le plus de conviction.
L&T: Que va-t-on retrouver sur scène ? Un blues chaud et puissant, ou bien on va vraiment être dans un pur blues roots ? Ça doit être assez difficile de faire une set-list avec tout ce que tu as écrit et joué ?
Nico: Tout à la fois mon capitaine ! Le blues roots est pour moi indissociable d’adjectifs tels que « chaud » et « puissant ».
L&T: Tu fais partie des incontournables acteurs du blues en France. Je suppose que ça doit te faire plaisir. C'est quoi ton secret pour durer ?
Nico: Merci ! Je ne me suis jamais fixé cet objectif quand je me suis lancé dans cette carrière et je reste avant tout un fanatique de la musique que j’essaie de jouer. La quête du feeling, de l’expression juste, du son est sans fin. Et chaque concert donne l’opportunité d’essayer de nouveau d’atteindre le firmament et de toucher les étoiles. Pour durer, je me dis toujours que je peux quitter cette carrière quand je veux (et je l’ai fait à plusieurs reprises.). Donc si je la poursuis encore, c’est car elle me passionne et me donne le frisson, et non pas simplement, car elle me fait vivre.
L&T: C'est quoi ton secret beauté pour ne jamais vieillir !! Tu ne changes pas !!! Tu as, toi aussi, signé un pacte avec le diable comme Robert Johnson !!
Nico: (rires) Ça, c’est sympa !!! Comme le reste, je profite de mon corps et de mes capacités en me disant qu’un jour peut être, je ne le pourrai plus de la même façon. Alors d’ici là, je m’amuse sur scène et je m’autorise à vivre pleinement le plaisir que j’ai à y être avec des musiciens que j’aime.
L&T: On ne va pas tarder à revenir à des temps plus propices pour les concerts et les festivals en extérieur, même si cela a été compliqué ces dernières années avec malheureusement des rendez-vous et des festivals qui ont disparu, on trouve toujours voir même plus de villes, d'endroits ou d'association où on organise des festivals de "Blues". La France est vraiment une terre de festivals, et de blues ?
Nico: On a de la chance qu’en France, il y ait des budgets alloués à la culture, même s’ils font peau de chagrin. Il y a aussi un attachement particulier aux festivals d’été qui mêlent musique et bonne bouffe, ce que les Français, mais aussi les visiteurs étrangers apprécient beaucoup. Quant au blues, c’est une musique populaire, fédératrice et rassurante, une programmation idéale pour tout événement qui se voudrait familial autant que destinée à des initiés.
L&T: Une petite question rituelle pour terminer cette interview : quel est le dernier morceau ou le dernier album que tu as écouté ?
Nico: Je viens de découvrir les albums de la collection George Mitchell chez Fat Possum et je me régale à écouter tous ces artistes rustiques et puissants. Je m’imprègne aussi beaucoup du travail de Boyd Rivers dont je viens d’acheter un vinyle rare.
L&T: Merci pour cette interview, et merci pour cet album qui nous fait découvrir une autre facette de ta personnalité.
Nico: Merci Yann !!!
Photos: Eric Traversie
https://www.nicowaynetoussaint.com/
https://www.facebook.com/profile.php?id=100062946685506
L&T Le 15.05.2023
L&T: Salut Nico.On te connaît comme un des grands joueurs d'harmonica, je dirais même une des références en France, et bien entendu comme un grand auteur et compositeur, mais voilà que tu reviens avec un album où tu "lâches" ton harmonica pour prendre la guitare. Pourquoi donc ? Tu nous avais caché ce talent de guitariste ?
Nico: Et bien, il faut croire que je me l’étais caché à moi-même aussi… j’ai toujours adoré la guitare en blues. Le slide de Ry Cooder ou de Elmore James, les bends de Albert King ou de Luther Johnson. Les hammer de John Lee Hooker… J’adore tout ça, mais je n’avais jamais osé m’y mettre, tout en engageant toujours des guitaristes qui maîtrisaient tous ces aspects et pouvaient les apporter à ma musique.
L&T: Pourquoi maintenant ? Pourquoi ne pas avoir produit d'album "guitare" plus tôt ?
Nico: Le Covid a eu ça de bénéfique qu’il m’a donné le temps et la solitude nécessaires pour que je me pose et que je laisse sortir 30 ans d’écoute du blues et d’expérience de scène avec de grands guitaristes, autant d’informations collectées, analysées et inconsciemment mémorisées, qui ont dirigé mes doigts dès que j’ai commencé à prendre une guitare pour de bon. Je ne l’aurais sans doute jamais fait s’il n’y avait pas eu cette situation unique due au Covid.
L&T: Est-ce que tu as fait le tour des compos à l'harmonica ? Où est-ce qu'au contraire, le fait d'avoir changé d'instrument, le temps d'un album et d'une tournée, va te redonner encore plus d'envie de revenir à l'harmo ?
Nico: Je n’ai jamais lâché l’harmo. J’en joue toujours autant lorsque je suis avec mon groupe. Mais c’est vrai que je ne travaille plus l’harmonica. Je joue avec le niveau que j’ai et qui me suffit pour exprimer ce que je veux raconter. Et ça m’a fait beaucoup de bien de revenir à travailler du blues à travers un nouvel instrument. Ça permet de lever un peu le voile sur la magie de ces sons qui me fascinent et de passer de l’autre côté du miroir dans un certain sens. Par ailleurs, ça renforce mon jeu d’Harmo et mon envie d’en jouer quand je suis avec mon groupe.
L&T: Où nous entraînes-tu avec ce nouvel album "Burning Light" ?
Nico: J’ai enregistré cet album un peu sur un coup de tête. Il m’était nécessaire pour que je puisse continuer à avancer dans ma vie d’artiste. Je n’aurais rien pu enregistrer d’autres si ce n’était pas cet album solo. Parfois, dans ma façon de travailler, je ressens des « évidences » que je dois matérialiser dès lors que je les ai ressenties. Ce n’est pas toujours logique, ni justifié et pourtant, je dois le faire. C’est ce même élan très instinctif qui est à l’origine de ce disque. Ainsi, j’ai décidé de me réapproprier des titres que j’avais déjà composés et enregistrés sur mes albums précédents mais dont les parties guitare avaient été interprétées par d’autres guitaristes. J’ai eu à cœur en tant que guitariste, d’être capable de jouer mes propres chansons. Et dans mes influences, il y a Louisiana Red, John Lee Hooker, Lightning Hopkins et Magic Slim, dont les styles viennent colorer l’ensemble de ce disque.
L&T: Quels thèmes tu abordes ?
Nico: L’amour est l’un des grands thèmes de ce disque (est-ce vraiment surprenant ?) mais aussi l’optimisme à travers I thank the lord, ou encore l’observation de la difficulté du quotidien pour certaines personnes dans One more day.
L&T: Un album plus dense, plus profond même que les précédents. Tu as vraiment eu un gros "coup de blues" au point de tout coucher sur papier, ou sur partitions pour être plus précis ?
Nico: Souvent, lorsqu’on fait un disque pour le vendre, on cherche à faire un disque « fun », entraînant pour le public. Je n’ai pas abordé cet album avec cette urgence. Je l’ai avant tout fait pour me faire plaisir et jouer effectivement ce qui me tenait à cœur et ce que j’avais dans le ventre. Ma seule contrainte était que je ne voulais y jouer que mes propres compositions. J’ai donc écrit aussi plusieurs morceaux, spécifiquement pour ce disque, mais en ne cherchant qu’à faire sonner mes guitares dans l’esprit que je souhaitais et en étant le plus sincère possible. De toute façon, quand on a peu de moyens, on exploite à fond et avec l’énergie du désespoir les quelques arguments musicaux qu’on a à proposer. C’est comme ça que j’ai joué cet album.
L&T: Est-ce que cela t'a permis finalement de passer au-delà de ce "coup de blues" et peut être revenir par la suite vers un blues plus festif, plus coloré comme tu avais l'habitude de produire ?
Nico: Qu’on soit d’accord, ce disque n’a pas été écrit sur un « coup de blues » mais sur un « coup de folie ». Et comment peut-on finalement se déclarer interprète de blues si on ne s’autorise à jouer « en profondeur » que de temps en temps, car on doit avant tout céder au diktat du divertissement ? Je défends en groupe un blues dynamique que j’adore, mais en solo, je m’autorise à être le porte-voix d’une approche plus ressentie, qui de toute façon colle mieux au format. Est-ce que Woodie Guthrie, John Lee Hooker ou Taj Mahal se fixent comme principal objectif de concert de faire de la musique festive ? J’espère qu’avec la maturité de l’âge et de l’expérience vient aussi le droit de se laisser guider par ce que l’on se sent de transmettre au mieux et avec le plus de conviction.
L&T: Que va-t-on retrouver sur scène ? Un blues chaud et puissant, ou bien on va vraiment être dans un pur blues roots ? Ça doit être assez difficile de faire une set-list avec tout ce que tu as écrit et joué ?
Nico: Tout à la fois mon capitaine ! Le blues roots est pour moi indissociable d’adjectifs tels que « chaud » et « puissant ».
L&T: Tu fais partie des incontournables acteurs du blues en France. Je suppose que ça doit te faire plaisir. C'est quoi ton secret pour durer ?
Nico: Merci ! Je ne me suis jamais fixé cet objectif quand je me suis lancé dans cette carrière et je reste avant tout un fanatique de la musique que j’essaie de jouer. La quête du feeling, de l’expression juste, du son est sans fin. Et chaque concert donne l’opportunité d’essayer de nouveau d’atteindre le firmament et de toucher les étoiles. Pour durer, je me dis toujours que je peux quitter cette carrière quand je veux (et je l’ai fait à plusieurs reprises.). Donc si je la poursuis encore, c’est car elle me passionne et me donne le frisson, et non pas simplement, car elle me fait vivre.
L&T: C'est quoi ton secret beauté pour ne jamais vieillir !! Tu ne changes pas !!! Tu as, toi aussi, signé un pacte avec le diable comme Robert Johnson !!
Nico: (rires) Ça, c’est sympa !!! Comme le reste, je profite de mon corps et de mes capacités en me disant qu’un jour peut être, je ne le pourrai plus de la même façon. Alors d’ici là, je m’amuse sur scène et je m’autorise à vivre pleinement le plaisir que j’ai à y être avec des musiciens que j’aime.
L&T: On ne va pas tarder à revenir à des temps plus propices pour les concerts et les festivals en extérieur, même si cela a été compliqué ces dernières années avec malheureusement des rendez-vous et des festivals qui ont disparu, on trouve toujours voir même plus de villes, d'endroits ou d'association où on organise des festivals de "Blues". La France est vraiment une terre de festivals, et de blues ?
Nico: On a de la chance qu’en France, il y ait des budgets alloués à la culture, même s’ils font peau de chagrin. Il y a aussi un attachement particulier aux festivals d’été qui mêlent musique et bonne bouffe, ce que les Français, mais aussi les visiteurs étrangers apprécient beaucoup. Quant au blues, c’est une musique populaire, fédératrice et rassurante, une programmation idéale pour tout événement qui se voudrait familial autant que destinée à des initiés.
L&T: Une petite question rituelle pour terminer cette interview : quel est le dernier morceau ou le dernier album que tu as écouté ?
Nico: Je viens de découvrir les albums de la collection George Mitchell chez Fat Possum et je me régale à écouter tous ces artistes rustiques et puissants. Je m’imprègne aussi beaucoup du travail de Boyd Rivers dont je viens d’acheter un vinyle rare.
L&T: Merci pour cette interview, et merci pour cet album qui nous fait découvrir une autre facette de ta personnalité.
Nico: Merci Yann !!!
Photos: Eric Traversie
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L&T Le 15.05.2023