interview
Ecr.Linf
A l'occasion de la sortie de leur album "Bellulaires" ce vendredi 22 mars, rencontre avec Dorian et Krys qui nous parlent de ce dernier opus, et évidemment, du groupe au nom étrange...
L&T: Avant de parler de votre dernier album "Belluaires", comment vous est venue l'idée de choisir ce nom "Ecr.Linf", "Ecrasons l'Infâme". Formule que Voltaire utilisait à son époque ?
Dorian : Ce nom, "Ecr.Linf", provient effectivement d'une formule utilisée par Voltaire dans sa correspondance pour exprimer son opposition à l'ignorance, à l'intolérance et au dogmatisme religieux. Pendant la phase de création du groupe, Krys et moi avons eu de nombreux échanges philosophiques et spirituels sur la direction que nous souhaitions donner au projet. Ayant déjà écrit quelques textes et paroles, nous désirions établir un lien philosophique entre les penseurs de l'Antiquité et ceux plus contemporains. Je suis profondément influencé par le stoïcisme et les philosophes des Lumières et Krys est retombé sur cette formule, qui a immédiatement fait sens pour nous. Elle lie les aspects énigmatiques, mystérieux et engagés contre le premier obscurantisme à écraser : le nôtre, très intime.
Krys : Voltaire apposait dans ses correspondances cette mention Ecr. Linf pour ne pas être sous le joug des autorités de l’époque, il a été écarté de la cours à cause de son rejet de la religion et des dogmes en tout genre. Ce fût une évidence lorsque l’on a cherché le nom la symbolique ainsi que le renvoi à l’histoire nous a convaincu. Et si on peut donner envie à certains de se renseigner sur Voltaire, cela est toujours positif. Il est tout de même percutant de voir comme ce nom fait écho dans notre société également.
L&T: Comment vous êtes-vous rencontrés et qui a eu l'idée de créer ce groupe ?
Dorian : Après 10 ans sans toucher à la guitare ni composer depuis mon départ de Jarell, en 2019 j'ai repris l'activité en grattant quelques riffs qui ont donné naissance à des fragments de morceaux présents dans l'album. Contrairement à d'autres, la période du COVID ne m'a pas du tout inspiré. Elle n'a fait que renforcer certaines positions) et n'a été qu'une parenthèse introspective. Fin 2020, j'ai repris mes écritures et recroisé la route de Krys (Demande à la Poussière Ndlr), que je n'avais pas vu depuis plus de 10 ans. Me demandant si je continuais à faire de la musique, je lui ai répondu par l'affirmative, mais plus de la même manière qu'auparavant,
tant en termes de contenu que d'ambition. Il a écouté mes dernières créations et semblait enthousiaste. Cherchant un chanteur pour donner vie aux compositions, je lui ai proposé de "remettre ça". "Ecr.Linf" était à l'origine un projet secondaire et n'avait pas vocation à dépasser notre cercle proche, mais ce duo, nous le connaissions et savions de quoi il était capable. Il y a des duos qui ne s'expliquent pas.
Krys : nous nous sommes perdus de vue pendant pas mal de temps, avec chacun nos vies et nos projets perso et/ou musicaux. Revoir Dorian à la base n’avait rien d’intéressé au niveau musical. Il m’a simplement dit "tiens j’ai des titres, si tu veux écouter et me dire". Il avait déjà fait des tests avec d’autres chanteurs mais pas totalement ce qu’il recherchait. J’ai écouté, et ensuite j’ai posé ma voix de manière instinctive, comme-ci je retrouvais un vieil ami musical. A cette époque je n’avais pas en vue de refaire un groupe en tant que tel, j’étais sur d’autres projets musicaux qui me demandaient pas mal de temps. Et pourtant on a commencé à travailler quand on le pouvait et voilà le résultat. J’avoue ne pas bouder mon plaisir d’avoir
retrouvé un confort de composition avec Dorian. Parfois on parle que très peu et on sait d’office ce que l’autre cherche musicalement, cela fonctionne bien.
L&T: C'est toujours difficile pour un groupe de se définir, mais comment pouvez-vous vous définir musicalement ? Parce que black metal, d'accord, mais on trouve d'autres influences non ?
Dorian : Effectivement, je suis dans le black metal depuis les années 90. Donc j'ai suivi son évolution, de près mais parfois de très loin et c’est ce qui m’a permis de faire mon autocritique ainsi que celle de la scène actuelle. J'envisage un retour aux sources, c’est vrai, mais recherchait ce qui pourrait faire notre son. Oui mon jeu vient du black car les années passées au sein de cette scène dans les années 90 m’ont fait vivre et faire des expériences plus que mystiques. Le black est né comme une contre culture, par la volonté de casser des codes et des normes. Triste aujourd'hui est de constater que cette posture s’est refermée sur elle-même. Nos autres influences viennent de l’héritage de tous nos projets musicaux mais surtout de nos
êtres profonds. Nous recherchons la sincérité avant tout, cette rage, cette pensée, ces constats, ces messages que nous voulons faire passer. Nos autres influences découlent de la cristallisation de nos différents héritages de tous nos projets musicaux, mais surtout de nos êtres profonds. Nous mettons l'accent avant tout sur
cette sincérité, cette rage, ces pensées, ces constats et ces messages que nous voulons transmettre.
Krys : Je rejoins Dorian sur certains aspects sur la scène actuelle, je la trouve moins
aventurière sur pas mal d’aspects et se standardise dans des codes, alors que le black metal au démarrage selon moi était contre les codes. Mais il ne faut pas cracher dans la soupe, la scène hexagonale est prolifique et il y a pas mal de groupes qui eux se donnent les moyens de tenter des choses. Ce que je déplore c’est de voir des grands noms du black metal ou metal tirer leur révérence par épuisement, cela dénote une fragilité actuelle au niveau de la relation groupes et public. A croire que le COVID persiste et que les gens n’osent plus sortir pour
découvrir des “lives”.
L&T: Qu'est ce qui a fait que vous êtes passés de duo à quintet ?
Dorian : Pour ce side project, nous avions l'intention d'enregistrer en studio avec de vrais musiciens, plutôt que d'utiliser des instruments virtuels, des VST ou des plugins. Jiu, un ami de longue date et bassiste, a entendu parler du projet et a voulu écouter les premières maquettes. Sa réponse a été rapide car il rêvait depuis longtemps d'intégrer un projet black metal. En ce qui concerne la batterie, nous avons rencontré Remi qui jouait pour Svart Crown à l'époque, et nous avons été séduits par son jeu, qui s'adapterait parfaitement aux maquettes. Après avoir écouté, il a immédiatement accepté notre proposition de prendre les rênes derrière les fûts.
Pour Jean, aux claviers, cela s'est avéré plus singulier. Un mois et demi avant notre session en studio, Krys et moi l'avons croisé par hasard lors d'un concert. C'était également la première fois que nous nous revoyions depuis 10 ans, car il était également impliqué dans Jarell. Nous lui avons parlé de notre projet sans mentionner le style musical, et nous lui avons demandé s'il serait intéressé à collaborer à nouveau avec nous. Perplexe, il nous a répondu qu'il ne s'impliquerait que dans un projet black metal. "Bingo ! Tu as un mois avant le studio." Son
étonnement face à l'avancement et à la teneur du projet a valu son pesant d’or.
C’est pendant cette période que les labels MyKingdomMusic et SourceAtone Records ont préempté le projet. D’autres surprises arrivent du côté de Remparts Productions. Toutes les planètes sont alignées pour une sortie optimale.
Quels thèmes vous abordez dans cet album ?
Dorian : Dès les premiers textes, l'intention de combattre l'obscurantisme sous toutes ses formes: religieuses, politiques, philosophiques, idéologiques, est claire, mais avec la nuance de l’écraser d'abord dans nos propres âmes. En effet, nous sommes convaincus que le progrès, s'il doit être recherché, ne peut venir que de nous-mêmes individuellement. Avec le temps, nous comprenons que nos luttes contre des individus et/ou des institutions ne sont que le reflet de celles qui se déroulent à l'intérieur de nos esprits. Il nous faut balayer toutes nos croyances car il existe quelque chose au-delà de la mort qui les transcende.
Krys : certains textes sont un prolongement d’un combat contre l'obscurantisme de tous bords, qu’il soit religieux, politique ou sociétal. Les textes sont un prolongement fort de notre pensée du moment, une révolte certaine contre un délitement d’une intelligible vacuité dont la France et l’Europe subissent les effets. C’est inquiétant de se rendre compte d’un naufrage certain. Il y a aussi des textes très personnels qui quant à eux nous ont offert en studio des moments de magie et de communion avec les personnes dont nous avons tenté de raviver les souvenirs. Chaque texte a été discuté avec Dorian, pour que chaque élément, chaque idées et chaque image deviennent communes et qu'on puisse les expliquer aisément. Chaque phrase a été
travaillée avec un rythme propre pour tenter d'enchaîner des punchlines.
L&T: Votre 1er single "Tribunal de l'Âme" donnait le ton de ce qu'allait être l'album, c'est la raison du choix de ce titre ? La couverture de ce single est super effrayante, violente même ?
Dorian : Absolument ! Ce titre évoque la philosophie et la spiritualité qui sous-tendent notre projet. Notre quête incessante de singularité et d'intégrité personnelle est au cœur de notre musique et de nos vies, ponctuées de méfaits, de drames et malgré tout de bonheur. Comme le disait Nietzsche, "Il faut porter en soi un chaos pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante". Je crois que c4est un prérequis dans le black metal. Ce mouvement rassemble toutes ces âmes tourmentées et marginales, celles qui perçoivent ce qui "cloche" dans notre civilisation humaine.
Peu parviennent à atteindre cette intégrité, mais avoir conscience de ses propres conflits est déjà un grand pas en avant. La couverture du single représente Voltaire avec la tête éclatée, symbolisant notre désir de faire briller la raison, mais aussi une pensée et un esprit qui cherchent au-delà de l'horizon.
L&T: Vous parlez de "lutte, de combat acharné contre les ténèbres humains et
l'obscurantisme", encore plus en ce moment non ? Vous êtes totalement d'actualité, mais mis à part les gladiateurs, y a t il vraiment une solution, et surtout une volonté de sortir de tout ça ?
Dorian : Je ne pense pas forcément coller à l'actualité, c'est souvent elle qui est imprégnée d'obscurantisme. Quand ce n'est pas celui des religieux, ce sont celui des idéologues et des politiques qui prennent le relais, sans oublier celui de l’économie ou de la science. Comme la mort, l'obscurantisme nous guette à chaque pas. Oui, il existe une solution, aussi difficile que facile : la conscience. Ce qui arrive à l’humanité, c’est le manque de conscience. Ce que nous percevons à l'extérieur est le reflet direct de nos combats intérieurs. Le monde est le miroir de notre vision, alors faisons évoluer notre vision. Cela peut paraître simple, mais il est plus confortable de désigner un coupable à l’extérieur de soi.
Krys : Il faut surtout y voir la lutte permanente entre un monde qui nous enserre et nous transforme malgré nous en Belluaires du quotidien. Il est dur d’avoir la sensation d’être lucide ans un monde comme le nôtre, se battre contre soi-même dans un carrousel en perpétuel mouvement qu’est la vie que l’on mène. Chaque élément peut nous blesser, d’un moment à un autre on peut être hors des bonnes grâces. Il est donc sain de se débattre. L’obscurantisme peut prendre beaucoup d’aspect parfois même malgré nous on s'annihile au travers de nos propres pensées obscures qui nous font voir la vie de manière faussée.Les ténèbres sont ce
qu’il y a de plus répandu, il faut donc apprendre à composer avec, mais aussi les combattres.
L&T: Où trouvez-vous vos inspirations pour vos textes ? Je veux dire, vous vous posez pour écrire, ou bien, il peut y avoir une "inspiration instantané" sur un coup de gueule ou un évènement qui vous choque ?
Dorian : Puisque je recherche une spontanéité travaillée, cela vient souvent naturellement. Si je me force, cela ne fonctionne jamais bien. Mon inspiration vient toujours de l’au-delà.
Krys : les thèmes sont très vite trouvés, néanmoins il y a une phase d’écriture réelle suite à cela. Les textes sont le fruit de réflexions mais aussi de recherche stylistique et de vocabulaire. La perpétuel recherche de tenter de donner du sens avec une logique harmonieuse qu’impose la musique. Les deux une fois terminés seront indissociables.
L&T: Comment vous travaillez les morceaux, en fait qui fait quoi ?
Dorian : Voici le flux de travail habituel : je commence par composer un morceau avec soit un thème défini, soit des bribes de textes déjà écrits. Ensuite, je l’envoie à Krys qui, lui aussi, va écrire et apporter des idées d'arrangements. Enfin, nous organisons une soirée pour finaliser la maquette du morceau. Autant dire que nous ne commençons pas à travailler avant minuit. Il y a cette saveur du mystère de la nuit pour élaborer une œuvre artistique telle qu’Ecr.Linf.
L&T: Quand vous composez vous le faites en pensant à la scène ?
Dorian : Oui, c’est vrai, on imagine souvent le rendu que cela pourrait avoir sur scène. Notre expérience nous a apporté cette maturité, conscients du travail pour concrétiser ces visions sur les planches.
L&T: La couverture de l'album est superbe. Qui a eu l'idée de cette pochette ?
Dorian : C’est un travail collaboratif. Je voulais symboliser le terme "belluaires" avec un gladiateur et un lion. Krys a eu l’idée d’une pièce antique. Après avoir esquissé plusieurs croquis, nous avons opté pour un gladiateur étranglant un lion stylisé dans une forme de pièce antique. Cela établit un lien entre les philosophes de l’antiquité et ceux plus contemporains. Cette pièce est aussi le symbole du passage vers l’au-delà que nous devons tous traverser de notre vivant.
L&T: On va vous retrouver sur scène ? Vous avez déjà des dates pour 2024 ?
Dorian : Avec un peu de chance, certainement. Nous devons encore nous organiser car ce projet nous a pris de court. L'enthousiasme qu'il a suscité a bouleversé nos emplois du temps et nos priorités.
L&T: On termine toujours nos interviews par cette question: quel est le dernier morceau ou le dernier album que vous avez écouté ?
Dorian : "Le Désespoir du Prophète" d'Ecr.Linf, car au moment de cette interview, je suis en train de finaliser le montage du clip !! Sinon, le dernier album que j'ai écouté est "Ecclesia Gnostica" d'A/Oratos, magnifique.
Krys : J’écoute pas mal en ce moment le dernier album de Necrowetch que je trouve puissant et d’une beauté intéressante, le dernier Deathcode society qui est aussi une bombe, mais il n’y en a tant d’autres que la liste pourrait être longue.
L&T: Merci beaucoup pour cette interview.
Dorian: Merci à toi.
https://www.facebook.com/Ecr.LinfOfficiel
L&T le 23.03.2024
L&T: Avant de parler de votre dernier album "Belluaires", comment vous est venue l'idée de choisir ce nom "Ecr.Linf", "Ecrasons l'Infâme". Formule que Voltaire utilisait à son époque ?
Dorian : Ce nom, "Ecr.Linf", provient effectivement d'une formule utilisée par Voltaire dans sa correspondance pour exprimer son opposition à l'ignorance, à l'intolérance et au dogmatisme religieux. Pendant la phase de création du groupe, Krys et moi avons eu de nombreux échanges philosophiques et spirituels sur la direction que nous souhaitions donner au projet. Ayant déjà écrit quelques textes et paroles, nous désirions établir un lien philosophique entre les penseurs de l'Antiquité et ceux plus contemporains. Je suis profondément influencé par le stoïcisme et les philosophes des Lumières et Krys est retombé sur cette formule, qui a immédiatement fait sens pour nous. Elle lie les aspects énigmatiques, mystérieux et engagés contre le premier obscurantisme à écraser : le nôtre, très intime.
Krys : Voltaire apposait dans ses correspondances cette mention Ecr. Linf pour ne pas être sous le joug des autorités de l’époque, il a été écarté de la cours à cause de son rejet de la religion et des dogmes en tout genre. Ce fût une évidence lorsque l’on a cherché le nom la symbolique ainsi que le renvoi à l’histoire nous a convaincu. Et si on peut donner envie à certains de se renseigner sur Voltaire, cela est toujours positif. Il est tout de même percutant de voir comme ce nom fait écho dans notre société également.
L&T: Comment vous êtes-vous rencontrés et qui a eu l'idée de créer ce groupe ?
Dorian : Après 10 ans sans toucher à la guitare ni composer depuis mon départ de Jarell, en 2019 j'ai repris l'activité en grattant quelques riffs qui ont donné naissance à des fragments de morceaux présents dans l'album. Contrairement à d'autres, la période du COVID ne m'a pas du tout inspiré. Elle n'a fait que renforcer certaines positions) et n'a été qu'une parenthèse introspective. Fin 2020, j'ai repris mes écritures et recroisé la route de Krys (Demande à la Poussière Ndlr), que je n'avais pas vu depuis plus de 10 ans. Me demandant si je continuais à faire de la musique, je lui ai répondu par l'affirmative, mais plus de la même manière qu'auparavant,
tant en termes de contenu que d'ambition. Il a écouté mes dernières créations et semblait enthousiaste. Cherchant un chanteur pour donner vie aux compositions, je lui ai proposé de "remettre ça". "Ecr.Linf" était à l'origine un projet secondaire et n'avait pas vocation à dépasser notre cercle proche, mais ce duo, nous le connaissions et savions de quoi il était capable. Il y a des duos qui ne s'expliquent pas.
Krys : nous nous sommes perdus de vue pendant pas mal de temps, avec chacun nos vies et nos projets perso et/ou musicaux. Revoir Dorian à la base n’avait rien d’intéressé au niveau musical. Il m’a simplement dit "tiens j’ai des titres, si tu veux écouter et me dire". Il avait déjà fait des tests avec d’autres chanteurs mais pas totalement ce qu’il recherchait. J’ai écouté, et ensuite j’ai posé ma voix de manière instinctive, comme-ci je retrouvais un vieil ami musical. A cette époque je n’avais pas en vue de refaire un groupe en tant que tel, j’étais sur d’autres projets musicaux qui me demandaient pas mal de temps. Et pourtant on a commencé à travailler quand on le pouvait et voilà le résultat. J’avoue ne pas bouder mon plaisir d’avoir
retrouvé un confort de composition avec Dorian. Parfois on parle que très peu et on sait d’office ce que l’autre cherche musicalement, cela fonctionne bien.
L&T: C'est toujours difficile pour un groupe de se définir, mais comment pouvez-vous vous définir musicalement ? Parce que black metal, d'accord, mais on trouve d'autres influences non ?
Dorian : Effectivement, je suis dans le black metal depuis les années 90. Donc j'ai suivi son évolution, de près mais parfois de très loin et c’est ce qui m’a permis de faire mon autocritique ainsi que celle de la scène actuelle. J'envisage un retour aux sources, c’est vrai, mais recherchait ce qui pourrait faire notre son. Oui mon jeu vient du black car les années passées au sein de cette scène dans les années 90 m’ont fait vivre et faire des expériences plus que mystiques. Le black est né comme une contre culture, par la volonté de casser des codes et des normes. Triste aujourd'hui est de constater que cette posture s’est refermée sur elle-même. Nos autres influences viennent de l’héritage de tous nos projets musicaux mais surtout de nos
êtres profonds. Nous recherchons la sincérité avant tout, cette rage, cette pensée, ces constats, ces messages que nous voulons faire passer. Nos autres influences découlent de la cristallisation de nos différents héritages de tous nos projets musicaux, mais surtout de nos êtres profonds. Nous mettons l'accent avant tout sur
cette sincérité, cette rage, ces pensées, ces constats et ces messages que nous voulons transmettre.
Krys : Je rejoins Dorian sur certains aspects sur la scène actuelle, je la trouve moins
aventurière sur pas mal d’aspects et se standardise dans des codes, alors que le black metal au démarrage selon moi était contre les codes. Mais il ne faut pas cracher dans la soupe, la scène hexagonale est prolifique et il y a pas mal de groupes qui eux se donnent les moyens de tenter des choses. Ce que je déplore c’est de voir des grands noms du black metal ou metal tirer leur révérence par épuisement, cela dénote une fragilité actuelle au niveau de la relation groupes et public. A croire que le COVID persiste et que les gens n’osent plus sortir pour
découvrir des “lives”.
L&T: Qu'est ce qui a fait que vous êtes passés de duo à quintet ?
Dorian : Pour ce side project, nous avions l'intention d'enregistrer en studio avec de vrais musiciens, plutôt que d'utiliser des instruments virtuels, des VST ou des plugins. Jiu, un ami de longue date et bassiste, a entendu parler du projet et a voulu écouter les premières maquettes. Sa réponse a été rapide car il rêvait depuis longtemps d'intégrer un projet black metal. En ce qui concerne la batterie, nous avons rencontré Remi qui jouait pour Svart Crown à l'époque, et nous avons été séduits par son jeu, qui s'adapterait parfaitement aux maquettes. Après avoir écouté, il a immédiatement accepté notre proposition de prendre les rênes derrière les fûts.
Pour Jean, aux claviers, cela s'est avéré plus singulier. Un mois et demi avant notre session en studio, Krys et moi l'avons croisé par hasard lors d'un concert. C'était également la première fois que nous nous revoyions depuis 10 ans, car il était également impliqué dans Jarell. Nous lui avons parlé de notre projet sans mentionner le style musical, et nous lui avons demandé s'il serait intéressé à collaborer à nouveau avec nous. Perplexe, il nous a répondu qu'il ne s'impliquerait que dans un projet black metal. "Bingo ! Tu as un mois avant le studio." Son
étonnement face à l'avancement et à la teneur du projet a valu son pesant d’or.
C’est pendant cette période que les labels MyKingdomMusic et SourceAtone Records ont préempté le projet. D’autres surprises arrivent du côté de Remparts Productions. Toutes les planètes sont alignées pour une sortie optimale.
Quels thèmes vous abordez dans cet album ?
Dorian : Dès les premiers textes, l'intention de combattre l'obscurantisme sous toutes ses formes: religieuses, politiques, philosophiques, idéologiques, est claire, mais avec la nuance de l’écraser d'abord dans nos propres âmes. En effet, nous sommes convaincus que le progrès, s'il doit être recherché, ne peut venir que de nous-mêmes individuellement. Avec le temps, nous comprenons que nos luttes contre des individus et/ou des institutions ne sont que le reflet de celles qui se déroulent à l'intérieur de nos esprits. Il nous faut balayer toutes nos croyances car il existe quelque chose au-delà de la mort qui les transcende.
Krys : certains textes sont un prolongement d’un combat contre l'obscurantisme de tous bords, qu’il soit religieux, politique ou sociétal. Les textes sont un prolongement fort de notre pensée du moment, une révolte certaine contre un délitement d’une intelligible vacuité dont la France et l’Europe subissent les effets. C’est inquiétant de se rendre compte d’un naufrage certain. Il y a aussi des textes très personnels qui quant à eux nous ont offert en studio des moments de magie et de communion avec les personnes dont nous avons tenté de raviver les souvenirs. Chaque texte a été discuté avec Dorian, pour que chaque élément, chaque idées et chaque image deviennent communes et qu'on puisse les expliquer aisément. Chaque phrase a été
travaillée avec un rythme propre pour tenter d'enchaîner des punchlines.
L&T: Votre 1er single "Tribunal de l'Âme" donnait le ton de ce qu'allait être l'album, c'est la raison du choix de ce titre ? La couverture de ce single est super effrayante, violente même ?
Dorian : Absolument ! Ce titre évoque la philosophie et la spiritualité qui sous-tendent notre projet. Notre quête incessante de singularité et d'intégrité personnelle est au cœur de notre musique et de nos vies, ponctuées de méfaits, de drames et malgré tout de bonheur. Comme le disait Nietzsche, "Il faut porter en soi un chaos pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante". Je crois que c4est un prérequis dans le black metal. Ce mouvement rassemble toutes ces âmes tourmentées et marginales, celles qui perçoivent ce qui "cloche" dans notre civilisation humaine.
Peu parviennent à atteindre cette intégrité, mais avoir conscience de ses propres conflits est déjà un grand pas en avant. La couverture du single représente Voltaire avec la tête éclatée, symbolisant notre désir de faire briller la raison, mais aussi une pensée et un esprit qui cherchent au-delà de l'horizon.
L&T: Vous parlez de "lutte, de combat acharné contre les ténèbres humains et
l'obscurantisme", encore plus en ce moment non ? Vous êtes totalement d'actualité, mais mis à part les gladiateurs, y a t il vraiment une solution, et surtout une volonté de sortir de tout ça ?
Dorian : Je ne pense pas forcément coller à l'actualité, c'est souvent elle qui est imprégnée d'obscurantisme. Quand ce n'est pas celui des religieux, ce sont celui des idéologues et des politiques qui prennent le relais, sans oublier celui de l’économie ou de la science. Comme la mort, l'obscurantisme nous guette à chaque pas. Oui, il existe une solution, aussi difficile que facile : la conscience. Ce qui arrive à l’humanité, c’est le manque de conscience. Ce que nous percevons à l'extérieur est le reflet direct de nos combats intérieurs. Le monde est le miroir de notre vision, alors faisons évoluer notre vision. Cela peut paraître simple, mais il est plus confortable de désigner un coupable à l’extérieur de soi.
Krys : Il faut surtout y voir la lutte permanente entre un monde qui nous enserre et nous transforme malgré nous en Belluaires du quotidien. Il est dur d’avoir la sensation d’être lucide ans un monde comme le nôtre, se battre contre soi-même dans un carrousel en perpétuel mouvement qu’est la vie que l’on mène. Chaque élément peut nous blesser, d’un moment à un autre on peut être hors des bonnes grâces. Il est donc sain de se débattre. L’obscurantisme peut prendre beaucoup d’aspect parfois même malgré nous on s'annihile au travers de nos propres pensées obscures qui nous font voir la vie de manière faussée.Les ténèbres sont ce
qu’il y a de plus répandu, il faut donc apprendre à composer avec, mais aussi les combattres.
L&T: Où trouvez-vous vos inspirations pour vos textes ? Je veux dire, vous vous posez pour écrire, ou bien, il peut y avoir une "inspiration instantané" sur un coup de gueule ou un évènement qui vous choque ?
Dorian : Puisque je recherche une spontanéité travaillée, cela vient souvent naturellement. Si je me force, cela ne fonctionne jamais bien. Mon inspiration vient toujours de l’au-delà.
Krys : les thèmes sont très vite trouvés, néanmoins il y a une phase d’écriture réelle suite à cela. Les textes sont le fruit de réflexions mais aussi de recherche stylistique et de vocabulaire. La perpétuel recherche de tenter de donner du sens avec une logique harmonieuse qu’impose la musique. Les deux une fois terminés seront indissociables.
L&T: Comment vous travaillez les morceaux, en fait qui fait quoi ?
Dorian : Voici le flux de travail habituel : je commence par composer un morceau avec soit un thème défini, soit des bribes de textes déjà écrits. Ensuite, je l’envoie à Krys qui, lui aussi, va écrire et apporter des idées d'arrangements. Enfin, nous organisons une soirée pour finaliser la maquette du morceau. Autant dire que nous ne commençons pas à travailler avant minuit. Il y a cette saveur du mystère de la nuit pour élaborer une œuvre artistique telle qu’Ecr.Linf.
L&T: Quand vous composez vous le faites en pensant à la scène ?
Dorian : Oui, c’est vrai, on imagine souvent le rendu que cela pourrait avoir sur scène. Notre expérience nous a apporté cette maturité, conscients du travail pour concrétiser ces visions sur les planches.
L&T: La couverture de l'album est superbe. Qui a eu l'idée de cette pochette ?
Dorian : C’est un travail collaboratif. Je voulais symboliser le terme "belluaires" avec un gladiateur et un lion. Krys a eu l’idée d’une pièce antique. Après avoir esquissé plusieurs croquis, nous avons opté pour un gladiateur étranglant un lion stylisé dans une forme de pièce antique. Cela établit un lien entre les philosophes de l’antiquité et ceux plus contemporains. Cette pièce est aussi le symbole du passage vers l’au-delà que nous devons tous traverser de notre vivant.
L&T: On va vous retrouver sur scène ? Vous avez déjà des dates pour 2024 ?
Dorian : Avec un peu de chance, certainement. Nous devons encore nous organiser car ce projet nous a pris de court. L'enthousiasme qu'il a suscité a bouleversé nos emplois du temps et nos priorités.
L&T: On termine toujours nos interviews par cette question: quel est le dernier morceau ou le dernier album que vous avez écouté ?
Dorian : "Le Désespoir du Prophète" d'Ecr.Linf, car au moment de cette interview, je suis en train de finaliser le montage du clip !! Sinon, le dernier album que j'ai écouté est "Ecclesia Gnostica" d'A/Oratos, magnifique.
Krys : J’écoute pas mal en ce moment le dernier album de Necrowetch que je trouve puissant et d’une beauté intéressante, le dernier Deathcode society qui est aussi une bombe, mais il n’y en a tant d’autres que la liste pourrait être longue.
L&T: Merci beaucoup pour cette interview.
Dorian: Merci à toi.
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L&T le 23.03.2024