interview
Eric Bibb
Rencontre avec un grand monsieur du blues et du blues-folk, Eric Bibb. Celui qui est un des musiciens les plus appréciés de la scène blues, qui arpente les scènes du monde entier depuis de nombreuses années, était en France pour nous parler de son tout dernier album "Ridin" qui sortira le 24 Mars via Dixiefrog records . Un album à l'image de l'artiste : engagé, mais plein de mansuétude, de finesse et d'espoir. C'était un grand plaisir de le rencontrer et d'échanger avec lui. Un grand merci à André Brodzki pour la traduction en direct.
L&T: Eric Bibb, bonjour. Une première question, comment allez-vous ?
Eric: Bonjour Yann. Très très bien. Très heureux d'être ici. (en français)
L&T: Même si beaucoup de vos chansons sonnent et résonnent très blues sombres, vous arrivez à créer une atmosphère particulière avec des sujets graves ? Les sourires dans le clip "Family", des compositions d'une grande finesse et d'une grande chaleur, c'est pour mieux faire passer vos messages ? D'ailleurs, on parle de messages ou plutôt d'expériences de vie ?
Eric: Je pense que quand on se concentre sur des sujets importants, des choses sérieuses, c'est mieux d'avoir une approche un peu plus légère pour ne pas effrayer les gens. C'est mieux de faire comprendre aux gens que vous avez de l'empathie, de la sympathie pour eux et non pas que vous êtes là contre eux. Il faut les intégrer dans votre monde.
L&T: Avec votre nouvel album, vous ouvrez plus vos compositions vers les guitares électriques, je pense au magnifique "Ridin’", ou au génial "Blues Funky Like Dat" avec Taj Mahal. C'est pour ouvrir le blues aux nouvelles générations ou essayer d'apporter une autre couleur à vos compositions ?
Eric: Je suis un guitariste acoustique et je ne joue pratiquement que sur des instruments acoustiques. Mais j'adore jouer de l'acoustique en y incorporant également des sons électriques. Et en plus de ça, mon producteur est un maître dans la manière d'inclure des éléments différents dans la musique acoustique. Des éléments plus électriques. Donc j'ai vraiment le meilleur des deux mondes d'une certaine manière.
L&T: Votre album précédent "Dear America" est, à mon avis, un de vos meilleurs albums, une référence dans votre discographie, avec "Ridin', on reste dans la continuité de cet album ? Ou bien vous nous entraînez dans quelque chose de différent ?
Eric: C'est une continuité définitivement . Aussi bien musicalement qu'au niveau des thèmes que je développe dans cet album.
L&T: Vous restez le maître incontesté du folk-blues, vous êtes très présent sur les scènes du monde entier, vous avez besoin de ce contact direct avec les gens plutôt que via les médias, même si désormais, ils font partie de notre vie ?
Eric: La pandémie a mis un terme à ma vie de musicien en tournée pendant un certain temps. Mais j'ai continué à avoir des connexions avec mon public via des concerts en ligne. Cela m'a permis de pouvoir continuer à chanter, à jouer, composer durant toute cette période où il n'y avait plus d'activité. Mais, maintenant que j'ai recommencé à être en connexion avec des gens, à partager avec vous par exemple, je m'aperçois combien cette vie m'avait manqué.
L&T: Comment faites-vous pour composer et travailler vos chansons alors que vous êtes très souvent sur les routes ? En même temps, je me dis que vos inspirations sont peut-être aussi le fruit des rencontres que vous faites sur ces mêmes routes ?
Eric: Aussi étonnant que cela puisse paraître, j'ai continué à composer même si, pendant la pandémie, j'étais isolé de tout le monde. C'est peut-être aussi parce que j'ai beaucoup d'inspirations liées à l'Histoire. Et surtout, je lis énormément.
L&T: Vous citez souvent comme référence Martin Luther King, Nelson Mandela, dans cet album, vous parlez de gens plus humbles, mais qui à leur niveau continuent à porter des messages de tolérance, d'espoir et de paix, je pense à "John Howard Griffin" par exemple. Il faut qu'il y ait encore des gens comme lui qui, au-delà des clivages, continuent à se battre, mais est ce que parfois, vous ne vous dites pas que c'est en vain quand on voit ce qu'il continue de se passer ?
Eric: Personnellement, je crois que ce n'est jamais vain de continuer ce genre de combat. Chaque énergie positive que tu vas envoyer au monde aura un effet positif.
L&T: Il y a une dizaine d'années, vous avez dit dans une interview qu'il était "temps que le monde se réveille", mais apparemment, on a plutôt l'impression qu'il dort encore non ?
Eric: (rires) Je dirais qu'il y a vraiment une partie du monde qui est endormie oui. Mais je trouve qu'il y a beaucoup de jeunes gens qui se réveillent très rapidement. Et c'est une très bonne chose.
L&T: Vous pensez que notre façon de vivre fait qu'on se ferme aux autres, qu'on ne regarde plus autour de nous ? Mais est-on vraiment responsable de cela tellement, la situation de chacun est parfois très compliquée sur le plan social, émotionnel, ou tout simplement sur la liberté de s'exprimer ?
Eric: Je pense que la technologie prend beaucoup trop de place dans notre vie. Mais, d'un autre côté, cela facilite aussi la communication globale entre les gens. Le truc est de trouver le bon équilibre entre ces deux aspects.
L&T: La religion est très présente et très importante dans vos compositions et dans votre vie, est ce qu'elle vous aide, ainsi que beaucoup de gens à continuer à avoir un espoir que les choses vont finir par s'améliorer ?
Eric: Je n'appellerais pas ça de la religion, je parlerais d'intérêt, de passion pour toutes les choses spirituelles. L'idée, c'est vraiment la foi dans le fait qu'il existe quelque chose de plus important que ce que l'on touche et que ce que l'on voit. Peu importe de comment on l'appelle. Ce qui est important, c'est de se dire qu'il y a quelque chose qui est plus grand, plus fort qui nous relie tous.
L&T: En décembre, le clip "Family" est sorti comme support à votre nouvel album, pourquoi ce choix de titre ? Pourquoi ne pas avoir choisi "Ridin" par exemple ?
Eric: Très bonne question. Mon but principal est vraiment l'inclusion du monde des gens. Nous sortirons "Ridin" comme single un peu plus tard. La chose la plus importante est de faire comprendre aux gens qu'ils sont mes frères et mes sœurs. Et une fois que ce postulat est établi, on peut aller vers des sujets importants et plus sérieux et on peut commencer à parler avec eux. D'où ce choix de "Family".
L&T: Vous êtes très souvent en concert en France. La France fait partie des pays qui aiment le Blues, et où le Blues arrive encore à s'exprimer ?
Eric: Absolument (en français). La connaissance, l'amour et la passion qu'il y a en France pour le blues sont à un niveau très élevé. La France, et ce n'est un mystère pour personne, est un des pays où j'ai le plus de succès. Et j'aime La France. (rires) Je remercie les Français qui aiment ma musique.
L&T: J'ai 2 dernières questions qui n'ont rien à voir avec les autres: quel est le dernier album, ou le dernier morceau que vous avez écouté ?
Eric: Ah bonne question... Mis à part Grant Haua que j'ai écouté dernièrement et que j'aime bien, car il se trouve que je vais aller dans cette partie du monde très prochainement (NDLR: Grant Haua est néo-zélandais.). Mais sinon, il y a une pianiste de jazz estonienne qui s'appelle Britta Virves, qui vit en Suède, et qui a sorti un superbe album qui s'appelle "Juniper". C'est une excellent compositrice et musicienne de jazz. Très jolie musique.
L&T: Et il y a t il des artistes que vous avez découverts, ou que vous connaissez qui sont susceptibles de continuer à porter au plus haut le blues ou le folk tel que vous le faites ?
Eric: Oui. Un jeune guitariste venu de Géorgie, Jontavious Willis, qui est sur le disque sur le morceau "Blues Funky Like Dat" et c'est, à mon sens, la personne qui porte le blues et le folk comme je le fais. Et comme j'aime le faire. Et je crois qu'il va venir au printemps en France, car peut-être qu'il sera la première partie de Robert Cray pendant sa tournée. Il est vraiment excellent.
L&T: Un grand merci pour cette interview Eric.
Eric: Merci Yann, c'était très gentil à toi.
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https://www.facebook.com/EricBibbMusic
L&T Le 21.03.2023
L&T: Eric Bibb, bonjour. Une première question, comment allez-vous ?
Eric: Bonjour Yann. Très très bien. Très heureux d'être ici. (en français)
L&T: Même si beaucoup de vos chansons sonnent et résonnent très blues sombres, vous arrivez à créer une atmosphère particulière avec des sujets graves ? Les sourires dans le clip "Family", des compositions d'une grande finesse et d'une grande chaleur, c'est pour mieux faire passer vos messages ? D'ailleurs, on parle de messages ou plutôt d'expériences de vie ?
Eric: Je pense que quand on se concentre sur des sujets importants, des choses sérieuses, c'est mieux d'avoir une approche un peu plus légère pour ne pas effrayer les gens. C'est mieux de faire comprendre aux gens que vous avez de l'empathie, de la sympathie pour eux et non pas que vous êtes là contre eux. Il faut les intégrer dans votre monde.
L&T: Avec votre nouvel album, vous ouvrez plus vos compositions vers les guitares électriques, je pense au magnifique "Ridin’", ou au génial "Blues Funky Like Dat" avec Taj Mahal. C'est pour ouvrir le blues aux nouvelles générations ou essayer d'apporter une autre couleur à vos compositions ?
Eric: Je suis un guitariste acoustique et je ne joue pratiquement que sur des instruments acoustiques. Mais j'adore jouer de l'acoustique en y incorporant également des sons électriques. Et en plus de ça, mon producteur est un maître dans la manière d'inclure des éléments différents dans la musique acoustique. Des éléments plus électriques. Donc j'ai vraiment le meilleur des deux mondes d'une certaine manière.
L&T: Votre album précédent "Dear America" est, à mon avis, un de vos meilleurs albums, une référence dans votre discographie, avec "Ridin', on reste dans la continuité de cet album ? Ou bien vous nous entraînez dans quelque chose de différent ?
Eric: C'est une continuité définitivement . Aussi bien musicalement qu'au niveau des thèmes que je développe dans cet album.
L&T: Vous restez le maître incontesté du folk-blues, vous êtes très présent sur les scènes du monde entier, vous avez besoin de ce contact direct avec les gens plutôt que via les médias, même si désormais, ils font partie de notre vie ?
Eric: La pandémie a mis un terme à ma vie de musicien en tournée pendant un certain temps. Mais j'ai continué à avoir des connexions avec mon public via des concerts en ligne. Cela m'a permis de pouvoir continuer à chanter, à jouer, composer durant toute cette période où il n'y avait plus d'activité. Mais, maintenant que j'ai recommencé à être en connexion avec des gens, à partager avec vous par exemple, je m'aperçois combien cette vie m'avait manqué.
L&T: Comment faites-vous pour composer et travailler vos chansons alors que vous êtes très souvent sur les routes ? En même temps, je me dis que vos inspirations sont peut-être aussi le fruit des rencontres que vous faites sur ces mêmes routes ?
Eric: Aussi étonnant que cela puisse paraître, j'ai continué à composer même si, pendant la pandémie, j'étais isolé de tout le monde. C'est peut-être aussi parce que j'ai beaucoup d'inspirations liées à l'Histoire. Et surtout, je lis énormément.
L&T: Vous citez souvent comme référence Martin Luther King, Nelson Mandela, dans cet album, vous parlez de gens plus humbles, mais qui à leur niveau continuent à porter des messages de tolérance, d'espoir et de paix, je pense à "John Howard Griffin" par exemple. Il faut qu'il y ait encore des gens comme lui qui, au-delà des clivages, continuent à se battre, mais est ce que parfois, vous ne vous dites pas que c'est en vain quand on voit ce qu'il continue de se passer ?
Eric: Personnellement, je crois que ce n'est jamais vain de continuer ce genre de combat. Chaque énergie positive que tu vas envoyer au monde aura un effet positif.
L&T: Il y a une dizaine d'années, vous avez dit dans une interview qu'il était "temps que le monde se réveille", mais apparemment, on a plutôt l'impression qu'il dort encore non ?
Eric: (rires) Je dirais qu'il y a vraiment une partie du monde qui est endormie oui. Mais je trouve qu'il y a beaucoup de jeunes gens qui se réveillent très rapidement. Et c'est une très bonne chose.
L&T: Vous pensez que notre façon de vivre fait qu'on se ferme aux autres, qu'on ne regarde plus autour de nous ? Mais est-on vraiment responsable de cela tellement, la situation de chacun est parfois très compliquée sur le plan social, émotionnel, ou tout simplement sur la liberté de s'exprimer ?
Eric: Je pense que la technologie prend beaucoup trop de place dans notre vie. Mais, d'un autre côté, cela facilite aussi la communication globale entre les gens. Le truc est de trouver le bon équilibre entre ces deux aspects.
L&T: La religion est très présente et très importante dans vos compositions et dans votre vie, est ce qu'elle vous aide, ainsi que beaucoup de gens à continuer à avoir un espoir que les choses vont finir par s'améliorer ?
Eric: Je n'appellerais pas ça de la religion, je parlerais d'intérêt, de passion pour toutes les choses spirituelles. L'idée, c'est vraiment la foi dans le fait qu'il existe quelque chose de plus important que ce que l'on touche et que ce que l'on voit. Peu importe de comment on l'appelle. Ce qui est important, c'est de se dire qu'il y a quelque chose qui est plus grand, plus fort qui nous relie tous.
L&T: En décembre, le clip "Family" est sorti comme support à votre nouvel album, pourquoi ce choix de titre ? Pourquoi ne pas avoir choisi "Ridin" par exemple ?
Eric: Très bonne question. Mon but principal est vraiment l'inclusion du monde des gens. Nous sortirons "Ridin" comme single un peu plus tard. La chose la plus importante est de faire comprendre aux gens qu'ils sont mes frères et mes sœurs. Et une fois que ce postulat est établi, on peut aller vers des sujets importants et plus sérieux et on peut commencer à parler avec eux. D'où ce choix de "Family".
L&T: Vous êtes très souvent en concert en France. La France fait partie des pays qui aiment le Blues, et où le Blues arrive encore à s'exprimer ?
Eric: Absolument (en français). La connaissance, l'amour et la passion qu'il y a en France pour le blues sont à un niveau très élevé. La France, et ce n'est un mystère pour personne, est un des pays où j'ai le plus de succès. Et j'aime La France. (rires) Je remercie les Français qui aiment ma musique.
L&T: J'ai 2 dernières questions qui n'ont rien à voir avec les autres: quel est le dernier album, ou le dernier morceau que vous avez écouté ?
Eric: Ah bonne question... Mis à part Grant Haua que j'ai écouté dernièrement et que j'aime bien, car il se trouve que je vais aller dans cette partie du monde très prochainement (NDLR: Grant Haua est néo-zélandais.). Mais sinon, il y a une pianiste de jazz estonienne qui s'appelle Britta Virves, qui vit en Suède, et qui a sorti un superbe album qui s'appelle "Juniper". C'est une excellent compositrice et musicienne de jazz. Très jolie musique.
L&T: Et il y a t il des artistes que vous avez découverts, ou que vous connaissez qui sont susceptibles de continuer à porter au plus haut le blues ou le folk tel que vous le faites ?
Eric: Oui. Un jeune guitariste venu de Géorgie, Jontavious Willis, qui est sur le disque sur le morceau "Blues Funky Like Dat" et c'est, à mon sens, la personne qui porte le blues et le folk comme je le fais. Et comme j'aime le faire. Et je crois qu'il va venir au printemps en France, car peut-être qu'il sera la première partie de Robert Cray pendant sa tournée. Il est vraiment excellent.
L&T: Un grand merci pour cette interview Eric.
Eric: Merci Yann, c'était très gentil à toi.
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L&T Le 21.03.2023